Les 5 piliers de la pédagogie positive

Les 5 piliers de la pédagogie positive

La pédagogie positive est une approche respectueuse des enfants, qui trouve ses fondements dans les dernières découvertes en neurosciences affectives et sociales. Ces sciences cognitives ont montré que le cerveau des enfants est à la fois immature et fragile et que la bienveillance est fondamentale pour accompagner le bon développement à la fois cognitif et affectif des enfants dès le plus jeune âge.

Dans son livre Guide pratique pour les pros de la petite enfance,Héloïse Junier présente la pédagogie positive à partir de 5 piliers fondamentaux. Ces piliers peuvent nous servir de principes directeurs en tant que professionnels de l’éducation (éducateurs de jeunes enfants, enseignants, agents spécialisés des écoles maternelles, conseillers principaux d’éducation, accompagnants d’élèves en situation de handicap…).

1.Raisonner en termes de besoins et d’émotions

Derrière chaque réaction que nous estimons inappropriée se cache un besoin humain fondamental non satisfait. Ces besoins peuvent être de plusieurs ordres : physiologiques (faim, manque de sommeil, soif, mouvement…) ou psychologiques (estime de soi, empathie, compréhension, respect, sens…).

Cette roue des besoins propose un aperçu de ces besoins qui animent tous les humains, y compris les tout petits.

Les émotions sont liées aux besoins :  chaque émotion désagréable correspond à des besoins non satisfaits et a valeur de message pour attirer l’attention sur ces besoins insatisfaits :

  • la colère : cause -> frustration, injustice, impuissance, violation de l’intégrité (psychique ou physique); besoin -> écoute, compréhension, décharge de l’énergie, changement, réparation;
  • la tristesse : cause -> perte, séparation, échec; besoin -> réconfort, acceptation, expression émotionnelle (ex : pleurer), amour inconditionnel;
  • la peur : cause -> danger, inconnu, insécurité, menace; besoin -> protection, aide, compréhension, sécurité, réassurance;
  • le dégoût : cause -> nocivité, viol; besoin -> sécurité, respect, accueil des émotions, justice;
  • la honte : cause -> non alignement avec les valeurs, moquerie, jugement; besoin – > restauration de l’estime de soi et de la valeur personnelle, acceptation, amour inconditionnel.

Ainsi, la colère a une valeur réparatrice pour restaurer l’intégrité et établir des limites.

Identifier l’émotion ressentie par l’enfant permet de la traduire en termes de besoins insatisfaits et donc de proposer une réponse adaptée. Des questions clés peuvent aider à les repérer face à des enfants au comportement “difficile” :

  • ont-ils pu assez se dépenser ?
  • ont-ils reçu des marques de reconnaissance positive dans la journée ?
  • ont-ils été trop stimulés (bruits, agitation, stimulations visuelles agressives…) ?
  • ont-ils été en contact avec du beau, de la verdure ?
  • ont-ils été stressés ? ce stress a-t-il été écouté ?
  • ont-ils eu l’occasion de faire preuve d’autonomie, de pouvoir personnel, de créativité ?

2.Se doter d’outils de régulation émotionnelle en tant qu’adultes

Souvent, nous sommes nous-mêmes débordés émotionnellement dans des situations où nous sentons que nous perdons le contrôle. La roue des besoins et la relation émotions/ besoins s’appliquent également aux adultes.

Quand nous nous sentons menacés parce que nous perdons le contrôle d’une situation (les enfants n’obéissant pas), nous nous mettons en colère et cette colère a des chances de se transformer en maltraitance émotionnelle et/ou en violence verbale (cris, menace, punition, critique, humiliation…).

Mieux vaut prendre de la distance et mettre en œuvre des outils de régulation émotionnelle appris auparavant au calme. Il est possible de faire quelques pas en arrière pour prendre une distance physique bénéfique.

Voici quelques propositions de régulation émotionnelle :

Une fois revenu au calme, il est possible de solliciter un temps d’échange avec le ou les enfants à l’origine du problème pour échanger sur ce qui vient de se passer. Cet échange pourra être l’occasion de parler des émotions de chacun sans censure ni jugement et de trouver des solutions (réparer ce qui a été cassé, réparer la relation par des excuses sous une forme ou une autre, anticiper les situations similaires…).

3.Donner aux enfants de bons modèles à imiter

Les enfants sont des éponges (Maria Montessori parle d’esprit “absorbant”). En tant que professionnels de l’éducation, nous sommes des modèles pour les enfants que nous accompagnons. Sans même que nous en ayons conscience, les enfants (dès leur plus jeune âge) observent la manière dont nous réagissons aux situations inhabituelles, dont nous gérons nos émotions, dont nous accueillons les émotions de leurs camarades, dont nous échangeons avec les autres adultes, dont nous reconnaissons nos erreurs, dont nous nous excusons quand nous faisons du mal aux autres (y compris aux enfants).

Il n’est alors pas étonnant de retrouver chez les enfants certaines de nos mimiques et habitudes (et pas toujours les meilleures).

Notre meilleur guide sur ce chemin est donc d’agir comme nous aimerions que les enfants agissent.

4.Développer l’intelligence émotionnelle des enfants

Réprimer les émotions des enfants a plusieurs conséquences négatives :

  • L’enfant emmagasine de la tension dans son corps qui va sortir à un moment ou un autre sous forme de cris explosive,
  • L’enfant perd confiance en ses repères internes (puisqu’on lui dit que ses émotions ne sont pas légitimes, ne sont dignes ni d’expression ni d’empathie),
  • La relation de confiance adulte/enfant est détériorée,
  • Des émotions réprimées peuvent se transformer à termes en rancœur, en ressentiment et donc en violence.

Nous devons donc encourager les enfants à exprimer leurs émotions en les accueillant avec empathie. Dire à un enfant qui pleure de ne pas pleurer revient à lui dire de ne surtout pas ressentir de tristesse (alors que, nous l’avons vu plus haut, les émotions ont une fonction utile pour la vie). Au contraire, nous pouvons accueillir les émotions telles qu’elles se présentent (“c’est vrai que c’est triste, pleure autant que tu en as besoin”, “tu as peur que ce soit trop dur, c’est vrai que ça peut faire peur les contrôles”).

L’émotion la plus problématique avec les enfants en collectivité est celle de la colère. Nous connaissons souvent mal le mécanisme de la colère et le message que la colère véhicule. Nous pouvons apprendre aux enfants à exprimer leur colère sans violence mais en parlant de leurs besoins. Certains enseignants mettent en place des espaces de retour au calme dans leur classe pour permettre aux enfants de se retirer quand ils se sentent submergés (on peut trouver dans ce type d’espace des feuilles de papier pour dessiner la colère, des coussins pour crier dedans, des pailles ou des moulins à vent pour souffler dedans, des matières douces à caresser…). Il est également possible d’organiser des temps d’échange en classe autour des problèmes rencontrés en classe. Certains établissements ont mis en place des cercles restauratifs pour trouver des solutions non violentes aux conflits.